vendredi 18 avril 2008

Elections US 2008: Il faut sauver le candidat démocrate

Le 22 avril prochain, la primaire de Pennsylvanie version 2008 s’ouvrira. Et c’est un mois et demi d'une campagne lancée depuis la dernière primaire qui se clôturera. Semble t-il dans un soulagement général. Les éditorialistes du « New York Times » s’interrogent : mais « qui a eu la brillante idée de laisser six semaines ouvertes avant les primaires de Pennsylvanie ? » et les tensions au sein du camp démocrate sont plus que palpables, à vif.
De fait ce n’est pas le 21e débat du 16 avril, le premier depuis la double victoire d’Hillary Clinton dans l’Ohio et le Texas qui permettra d’apaiser les esprits. Il a permis au contraire à la controverse « de l’amertume » de prendre une nouvelle ampleur. Voici Barack Obama obligé de s’expliquer sur des déclarations qu'il aurait tenu en Californie face à un parterre de financiers. Selon lui, les frustrations des citoyens des petites villes américaines les conduiraient à « s’accrocher aux armes à feu ou à la religion » voire à développer « de l’antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux. » Une véritable pierre dans le jardin de l’Amérique éternelle, celle du droit au port d’armes et de la foi religieuse. Un rocher dans celui d’Obama alors même qu’il avait construit sa campagne sur l’union des américains et le dépassement des clivages. Ce mercredi soir, Hillary Clinton n’a pas résisté, elle a enfoncé le clou épinglant cet "élitisme." Elle a mis le pied sur le rocher pensant sans doute pouvoir reprendre de la hauteur. Obama semble fatigué, et commetdes erreurs tandis qu'Hillary multiplie les attaques, de plus en plus frontales. Toutefois est-ce assez pour faire oublier ces propres errements et surtout remonter le retard accumulé lors des primaires face à son adversaire.

Cette stratégie semble pour l’instant peu efficace. Une inefficacité marquée en ce qui concerne la course aux superdélégués. Car derrière ce rideau de fumée de polémiques, c’est l’objectif superdélégué qui est désigné. Une campagne médiatique est lancée à chaque ralliement. Celui d’Harry Thomas du district de Columbia en faveur d'Obama n’y a pas échappé. Harry Thomas a même du intervenir. Le camp Obama faisait en effet circuler le bruit qu'ils étaient parvenus à le détourner du camp Clinton, son choix original. Non, selon lui, il était demeuré neutre jusque là.

Les superdélégués indécis, eux, attendent et ne prendront pas de décision à partir des récentes polémiques. Polémiques en série qui n'auraient en fait, que peu d'incidence sur leur choix final. Car comme le rappelle John W.Olsen, délégué du Connecticut non engagé, « nous avons entendu beaucoup de choses sur les gaffes et leur influence sur l’électorat, mais ce qui est réellement important pour les gens c’est comment on va s’occuper de l’économie et créer de l’emploi. »
Les prochaines primaires sont donc essentielles.
Pour le camp Clinton d'abord. Mais il lui faut du temps et on peut s’interroger sur la volonté des responsables du parti démocrate de lui en accorder. La sortie de John McCain critiquant « la condescendance » des propos de Barack Obama laisse présager le pire pour les démocrates. Eux qui paraissent solides sur les thèmes de la guerre, des errements de l’Administration Bush, sur les difficultés économiques, viennent de porter le débat sur « les valeurs ». Et a ce petit jeu, il y a bien moins maladroit qu’un républicain. D’autant qu’on peut s’interroger sur l'état de santé du parti démocrate une fois son candidat désigné. Il s'agira alors d'affronter un parti Républicain qui a eu tout le loisir d'observer, et qui attend de pied ferme un candidat démocrate certainement affaibli par cette campagne interne. John McCain peut être serain, il attend patiemment. Et alors que son camp paraissait à la traîne, le sort de ces élections semble plus serré que prévu.
D'autant que le candidat McCain a même eu le temps de faire un peu de tourisme, parcourant sur un air de vainqueur solitaire les capitales de « la vieille Europe. »


Sébastien Deslandes

mercredi 16 avril 2008

Le CIO malade de ses oublis

A quelques heures de l’olympiade pékinoise, le CIO veut faire croire qu’il s’étonne de l’intrusion du politique dans ses Jeux Olympiques.
Pour cela il brandit sa charte comme un brevet d’innocence et rappelle à ceux qui auraient eu l'outrecuidance d'oublier qu’ « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »
Mais il oublie que dans sa course à la si recherchée visibilité mondiale, dans sa quête du succès médiatique et ses prétentions économiques, il a accueilli en son sein les débats politiques. Ces mêms débats qu’il prétend pourtant vouloir laisser sur le seuil de sa porte. Le CIO oublie donc et prend un risque. Celui d'accepter dans ses rangs, parmi ses membres, autant de nations. Celui de croire ceux qui assurent la main sur le cœur, de leur respect des principes fondamentaux de l’olympisme, alors qu'ils font régulièrement la preuve du contraire. Voilà le prix de la construction d’un évènement planétaire. Voici que le CIO doit prendre ses responsabilités et ne plus se cacher derrière le paravent moelleux de l’olympisme.
Certes il faut aussi comprendre ces JO et les principes qui les régulent comme un produit occidental. Ce produit est avant tout la résultante des conceptions que l’histoire et l’Occident ont érigé en fondements indépassables pour leur propre salut. « Le respect des principes éthiques fondamentaux universels » et la notion de « sport au service du développement harmonieux de l’homme en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine » sont quelques unes des valeurs centrales que le CIO désire développer et élever aux rangs des imperturbables.
Or de deux choses l’une, soit les nations membres considèrent qu’il faut au regard du caractère planétaire de l’évènement prendre en compte les différences d'appréciation et de conception pouvant exister entre elles et le cas échéant fait évoluer principes. Soit le CIO prend de plus grandes précautions dans le choix de ses membres et veille plus rigoureusement au respect de ses règles. La responsabilité du CIO est par conséquent engagée.

Il ne lui suffit plus de se plaire à répéter telle une doxa immémoriale, que le sport est et doit être apolitique. Il n'est plus tenable d'assurer que le CIO poursuit sa philosophie olympique : rester "l’avocat de la paix et du respect mutuel entre les nations", car le CIO oublierait encore. Il oublierait qu’il a régulièrement semblé étonné lorsque tout au long de l’histoire des JO, il a ouvert son lit à la politique.
l’Olympisme n’est pas entré en politique depuis le choix de Pékin comme site d’accueil des 29èmes olympiades. Les JO constituent depuis bien longtemps un fidèle reflet de la puissance des Etats et des rapports qui les lient ou les opposent. Depuis 1896 précisément et la naissance des jeux modernes. Les JO ont une dimension politique et il parait difficile de le contester sinon de l’oublier. Son histoire est une litanie d’exclusions punitives, de boycotts, d’affrontements, dont le pourquoi du comment relève d’abord des relations internationales.
Il existe plusieurs raisons à cela. Une raison tout d’abord constitutive et originelle. L’étroitesse du lien entre l’olympisme et la politique, s’il est ténu, s’est d’emblée révélée. En 1894, lors du Congrès International de Paris, en Sorbonne, Pierre de Coubertin et son idéal olympique ne sont pas seuls. Les nationalismes européens sont avec eux. On repassera pour un contexte favorable à la mise en place d'un sport dépassionné, pour assurer des liens pacifiques et raisonnés entre des nations raisonnables. Ce n'est plus l'heure. Or « si le sport n’est pas la cause des nationalismes, il parait pourtant les révéler, voire les exacerber. » En effet, la figure de proue, l'instrument des JO, le sport moderne, est tombé très tôt dans « le filet des idéologies. » Le sport est irrémédiablement une composante, voire le parfait miroir de la vie internationale. Le sport peut être le moyen d’une politique étrangère, l'outil de prestige national d'un régime. Charles Maurras évoquait déjà au lendemain du Congrès de Paris que si « jadis, les peuples fréquentaient les ambassadeurs, maintenant les peuples se vont fréquenter directement, s’injurier de bouche à bouche et s’en…ler de cœur à cœur. La Vapeur qui les a rapprochés ne fera que rendre plus faciles les incidents internationaux. Les Bismarck à venir ont encore de la carrière. »
Certes le CIO n’est pas seul à devoir être incriminé. Comme nous venons de le voir, les Nations, au premier rang de cet évènement, s’en sont toujours peu élégamment ou peu discrètement servies. Pour des raisons de prestige notamment. Le rôle dévolu aux athlètes qualifiés pour les JO est à cet égard symptomatique.
Aux Etats-Unis notamment, ils sont devenus les icônes d’un modèle, les ambassadeurs d’un pays, une armée en campagne à eux seuls. Bravant les tours de piste, la fuite du temps, et autres lois de la pesanteur, ils doivent en commis voyageur du modèle américain remplir de fierté une nation et asseoir leur supériorité physique et intellectuelle sur les autres nations du monde. La première puissance mondiale et son armée surpuissante peuvent-elles envisager, ne serait-ce qu'un instant, de ne pas être également la première nation olympique?
Les Jeux Olympiques de Mexico durant le mois d'octobre 1968 rassemblent une grande partie de ces dynamiques. Restés dans la mémoire collective sous l'image forte du poing levé ganté de noir, défiant le ciel, ils s'avèrent intéressant à d'autres titres.
D'abord parce qu'ils corroborent l’influence des relations internationales et des tensions entre les Nations.
Les JO de Mexico du 12 au 27 octobre c’est d’abord un lourd contexte, des évènements politiques majeurs. Le pasteur Luther King est assassiné le 4 avril, Bob Kennedy le 6 juin. Les chars soviétiques pénètrent dans Prague quand la guerre du Vietnam fait rage et l’offensive du Têt, douter l’Amérique. A cela rajouter une année tumultueuse, peu meurtrière mais particulièrement féconde parmi la jeunesse mondiale, mais aussi un apartheid toujours aussi féroce en Afrique du Sud qui ne cache que mal des maux similaires dans l’Amérique ségrégationnistes.
Les tensions sont donc vives et les douleurs olympiques vivaces. L’Afrique du Sud est exclue en avril sous la pression des délégations africaines qui boycottent tout de même ces Jeux en raison de la présence Néo-Zélandaise et de ses coupables liens avec l’apartheid Sud-Af.
Les JO vont bientôt s’ouvrir, l’espoir renaît à peine : les menaces de boycott des athlètes noirs américains ayant vécu, lorsque sur la place des 3 cultures, à Mexico, les étudiants locaux font leur cinéma. Mais là, si les slogans peuvent être comparés avec leurs alters égo américains ou européens, la répression et le nombre de victimes laissent une place de choix au panthéon des victimes olympiques. Certes la cérémonie d’ouverture en était encore à ses préparatifs, mais c’est bien pour sauver « ses jeux » que le président conservateur mexicain Diaz à envoyer la milice « olympia », chargée de la sécurité olympique sur la place pour laisser dans quelques mémoires le souvenir du « massacre de Tlateloco ». 300 morts et des slogans estudiantins qui fleurissent désormais des tombes. Le Mexique, son régime et son président avaient une image à tenir, un script à respecter, l’histoire d’un Mexique sans histoire, d’un pays sage malgré les voisins bruyants et encombrants. La CIA selon l’espion Philip Agee « aidera ».
Enfin les JO commencent laissant à l’oubli cet instant peu olympique mais qui pourtant en ponctue inconfortablement l’histoire.
Ils s’ouvrent sans délégations africaines, les athlètes noirs seront quand même sur le devant de la scène. D’abord grâce aux légendaires Tommie Smith et John Carlos, sympathisants des Blacks Panthers et du Black power. Ils seront exclus à vie des JO sur recommandations du CIO. Quelques jours plus tard, c’est au tour de 3 autres athlètes noirs américains, Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman qui ont réalisé un triplé et montent sur le podium avec un béret noir vissé sur le crâne pour dénoncer le racisme dans leur pays. Ils le retireront dignement pourrait on dire au moment des hymnes. Enfin ce sont une large part des athlètes noirs américains et de leurs compatriotes blancs qui portent sur leur veston un macaron portant celui-là l’inscription claire « Olympic project for human rights. »
Sébastien Deslandes.

lundi 14 avril 2008

Débats entre Michaël Benhamou et Khalil Baroud

Tous deux reviennent sur l'article de Khalil Baroud, "impasse au Liban"
A l'adresse de Khalil Baroud,
Je me permets de revenir sur ton article du 27 mars, "impasse au Liban", qui s'écarte tristement de toute considération de vérité et d'objectivité. Les erreurs sont si nombreuses qu'elles ne laissent aucun doute sur ton parti pris.
C'est d'ailleurs cela qui me dérange: derrière la présentation souvent rigoureuse de faits compliqués, l'on pourrait s'imaginer que ton analyse est aussi froide qu'impartiale... - Selon toi les américains veulent le pétrole et la sécurité d'Israel, rien d'autre. Tu proposes une sorte de mix des meilleures théories de complot présentes sur le site du réseau Voltaire ou d'autres extrémistes du genre. Evitons ces argumentaires populistes et simplistes. Bush voulait la démocratie, parce qu'il espérait un effet domino dans la région. Pourquoi la démocratie? Pour le pétrole? Peut-être, mais surtout parce que la liberté politique conduit à une meilleure gouvernance économique et à l'ouverture libérale des marchés. Plus de démocraties, c'est plus de consommateurs et plus de clients. Tout le monde gagne.
C'est ça la logique US de l'après Guerre Froide. -Tu nous fais croire ensuite que l'axe Hezbollah-Syrie-Iran se crée en réaction à l'intervention US de 2003. Tu parles de "pressions américaines" sur le programme nucléaire iranien: il s'agit de pressions de la Communauté Internationale!! Tu fais semblant, prétextant un manque de preuves, de ne pas voir que l'Iran espère obtenir de bombes nucléaires, semblant de ne pas voir que la Syrie n'est pas derrière ces attentats destabilisateurs contre des figures politiques libanaises, toutes ayant participées au mouvement majoritaire du 14 mars. Cette frivolité te permet de faire passer les Américains comme les "grands méchants loups" et la coalition menée par l'Iran comme une pauvre victime ne cherchant qu'à se défendre, sans agenda de puissance. -
Il y a ensuite quelques "impasses" intellectuelles, quelques oublis dans l'analyse assez commode pour qui veut à tout prix défendre la cause arabe. Aussi le Hamas serait victime d'une "guerre de décapitation", tout cela à cause de l'enlèvement d'un seul soldat israélien, et pour une cause noble de surcroit: la libération des prisonniers palestiniens... C'est oublier que le Hamas tire depuis 2005 des centaines de roquette tous les mois, qu'il ne reconnait pas l'Etat sioniste, qu'il appelle à la destruction de celui-ci, d'ou l'unilatéralisme des concessions israeliennes: désengagement au sud liban (2000) puis à Gaza (2005). Suite à ces deux décisions Israel n'a reçu que des roquettes ou des rançons en cadeau de remerciement. Aussi le cycle de violence continue.
Cela dit, je reconnais bien volontiers que le problème majeur est la colonisation en Cisjordanie. Aujourd'hui 80% des israéliens sont prêts à l'abandonner s'ils étaient surs que cela n'augmenterait pas les risques terroristes. Le mur a été construit pour pallier aux doutes des électeurs(en Israel comme en Irak). Ainsi c'est le même dilemme qui se pose dans toute la région: faut-il faire confiance aux forces et pays islamistes? Khalil le croit sans hésiter une seconde. Bien sur il n'accorde pas le même crédit aveugle aux obscurs complotteurs "néo-conservateurs" qui contrôlent les Etats-Unis et Israel... A mon sens, cela mérite plus d'équilibre.
Michael Benhamou
A l'adresse de Michaël Benhamou,
Avant tout je te remercie d’avoir pris le temps de lire et de répondre à mon article. Ceci dit il y a, à mon sens, pleins de choses à redire sur tes critiques. Je reprendrai donc tes remarques et les commenterai « Bush voulait la démocratie, parce qu'il espérait un effet domino dans la région. Pourquoi la démocratie? Pour le pétrole? Peut-être, mais surtout parce que la liberté politique conduit à une meilleure gouvernance économique et à l'ouverture libérale des marchés. » Je ne suis pas certain que Bush s’intéresse réellement à la démocratie au Moyen-Orient. Son soutien aux régimes les plus répressifs et anti-démocratique du monde arabe comme l’Egypte de Moubarak (30 ans de règne) le royaume d’Arabie Saoudite, le royaume Hashemite de Jordanie, récemment la dictature Libyenne de Kadhafi, la dictature Tunisienne de Ben Ali, le royaume du Maroc, l’autoritarisme de Bouteflika sans compter tout le passé Américain de soutien aux dictatures dans le monde ( Pinochet, Saddam Hussein lors de la guerre Irak Iran, le Shah d’Iran etc.) me laissent sceptique. Les Etats-Unis ont toujours su faire en sorte d’ouvrir des marchés sans pour autant changer les régimes en place et forcer la démocratie. A nouveau je vous rappellerai que l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, la Libye, la Tunisie et même la Chine sont tous des marchés ouverts aux Etats-Unis et pourtant restent d’indéboulonnables dictatures. Il faut chercher autre part, je pense, les réels motifs de cette invasion. Je pense avoir proposé dans mon article « impasse au Liban » une lecture à prendre en compte. « Plus de démocraties, c'est plus de consommateurs et plus de clients. Tout le monde gagne. » Et pourquoi pas au final ? Comme ça les Frères Musulmans gouverneront l’Egypte la Syrie, peut-être la Jordanie, et le Hamas restera au pouvoir en Palestine. Mais il faudra rester cohérent à ce moment et accepter le résultat des scrutins. « Tu parles de "pressions américaines" sur le programme nucléaire iranien: il s'agit de pressions de la Communauté Internationale! » Certes mais la question intéressante ici serait de savoir dans quelle mesure les Etats-Unis arrive par divers moyens, pressions et intimidations, à imposer son agenda aux autres membres des Nations Unies. Rappelons que les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies sont aussi des Etats dont la politique étrangère est déterminée par des intérêts. Le CS de l’ONU n’est malheureusement pas une oeuvre de charité. Sinon de 1990 à 2003, l’embargo (Américain) des Nations Unies sur l’Irak a provoqué la mort de plus de 1,6 millions d’Irakiens. Une étude de la FAO démontre d’ailleurs qu’en raison de cet embargo chaque année 10 000 enfants mourraient pour cause de malnutrition. Je ne pense pas que cet embargo était légitime et juste quand bien même la « communauté internationale » le cautionnait. « Tu fais semblant, prétextant un manque de preuves, de ne pas voir que l'Iran espère obtenir de bombes nucléaires » Et toi et la « communauté internationale », vous êtes certains, malgré un manque de preuves, que l’Iran espère obtenir des bombes nucléaires. Mais à supposer que l’Iran possède un programme nucléaire militaire. Une lecture géopolitique élémentaire expliquerait cette volonté par le fait que ses proches voisins aussi la possèdent (Inde et Pakistan) et parce qu’Israël et les Etats-Unis qui menacent quasi-quotidiennement sa sécurité sont des puissances nucléaires. Pourquoi ces pays auraient-ils le droit d’être « nucléaires » sans aucun compte à rendre à la « communauté internationale » et pas l’Iran ? On a la, je pense, une très belle expression de la politique de deux poids deux mesures de la « Communauté Internationale ». « semblant de ne pas voir que la Syrie n'est pas derrière ces attentats destabilisateurs contre des figures politiques libanaises, toutes ayant participées au mouvement majoritaire du 14 mars » Relis bien ce que j’ai écris. J’explique que les deux bords se jettent mutuellement la responsabilité des attentats. Je prends par contre la peine d’expliquer que au cas ou ça serait la Syrie, ces attentats s’inscrivent dans une logique, et pas seulement parce que, comme essayent de nous le faire croire les grands medias qui relayent uniquement le point de vue du 14 Mars, les Syriens voudraient punir ceux qui les auraient chassés du Liban. Mon idée est que ce qui se passe au Liban est très lié aux bouleversements qui touchent toute la région depuis 2003. Je rajouterai que jusqu’à présent, toutes les enquêtes (Libanaises, Américaines, internationales etc.) n’ont pas réussi à remonter jusqu’aux Syriens. La plupart s’arrêtent à des mouvements islamistes (dont Fatah Al Islam) qui ont eu des liens avec la famille Hariri (tête de file du 14 Mars)... « C'est oublier que le Hamas tire depuis 2005 des centaines de roquette tous les mois » Si le Hamas tire des roquettes sur Israël c’est probablement parce qu’Israël envoie des bombes, torture les prisonniers Palestiniens, encourage la colonisation, ne respecte pas les trêves etc. « désengagement au sud Liban (2000) puis à Gaza (2005). Suite à ces deux décisions, Israël n'a reçu que des roquettes ou des rançons en cadeau de remerciement » Le désengagement de Gaza (en 2005) ne s’est jamais fait pour les beaux yeux des Palestiniens. Un conseiller de Sharon, Dov Weisglass lors d’un interview apparu dans le journal Haaretz, le 8 Octobre 2004 déclare en parlant du retrait: « Ce que nous avons fait vise à geler le processus de négociation. Et, en gelant le processus de négociation, vous empêchez la création d’un Etat palestinien et vous empêchez la discussion sur la question des réfugiés. (...) Le désengagement comporte la bonne dose de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus de négociation avec les Palestiniens. »En 2005, 7000 colons seront retirés de Gaza. En retour 15 000 seront installés en Cisjordanie en plus des 240 000 déjà présents. Sinon pour le Hezbollah, ses revendications ne se sont jamais limité à un retrait du Sud Liban. Il reste la question des fermes de Chebaa, de l’eau du Sud Liban qu’on a pas le droit d’exploiter au dela d’un certain quota, sous peine de subir des bombardements Israéliens, les prisonniers et la violation de l’espace aérien. Tant que toutes ces demandes ne seront pas respectées et que la « communauté internationale » ne fera rien pour protéger le Liban, le Hezbollah estime ne pas être en devoir de remercier Israël. « faut-il faire confiance aux forces et pays islamistes? Khalil le croit sans hésiter une seconde. Bien sur il n'accorde pas le même crédit aveugle aux obscurs comploteurs "néo-conservateurs" qui contrôlent les Etats-Unis et Israël » Tu entends quoi exactement par « forces et pays islamistes » ? Erdogan, Al Qaida, le régime Wahhabite, le Hezbollah ... ? Ce sont les dictatures qui me posent problèmes, pas l’islam. Le terrorisme et le dogmatisme ne sont pas le monopole de ce tu appels les « islamistes ». La Turquie a pendant longtemps été une dictature laïque. Je ne la soutenais pas. Saddam a longtemps massacré et combattu les « islamistes » au nom de la laïcité Baathiste. Je ne le soutenais pas non plus. Le Hamas est arrivé démocratiquement au pouvoir et s’il a recouru à des méthodes terroristes, cela n’a rien à voir avec son idéologie islamique mais pour des raisons profondément politiques. Exactement comme l’OLP qui n’était pas islamiste mais qui a eu recours aux mêmes méthodes. Le Hezbollah est une organisation résistante Libanaise dont les membres siègent au parlement. Que ce soit un parti islamiste ou non ne change rien à sa politique vis-à-vis d’Israël et l’Iran bien qu’islamique reste bien plus démocratique que n’importe quel régime du monde arabe allié aux Etats-Unis et à la France. Je reproche à Thierry Meyssan (directeur du réseau Voltaire) dont tu me reproches de véhiculer les thèses extrémistes, de penser qu’il y aurait une essence Juive portée à essayer de gouverner et dominer le monde. Je fais le même reproche à ceux qui pensent qu’il y aurait une sorte de fatalité socio-historique chez les islamistes à verser dans la dictature et le terrorisme. Quand aux neoconservateurs, je pense avoir expliqué que c’est un groupe de politiciens liés par des intérêts. C’est la projection de leur intérêts au Moyen-Orient et le crise qu’ils ont provoqué qui m’intéresse.
Khalil Baroud.

mardi 8 avril 2008

Quelques remarques à propos de l’Union pour la Méditerranée


De tous les discours prononcés lors du Forum de Paris 2008 sur l’euro-méditerranée, sans doute celui inaugural de Jacques Attali aura le plus réussi à conjuguer le lyrisme propre à un tel sujet et le réalisme que demande un tel projet. L‘auditoire était composé de nombreuses personnalités -diplomates, militaires, chefs d’entreprises, journalistes et jeunes élèves des grandes Écoles- d’origines multiples et variées. Pour la plupart méditerranéens, leur état d’esprit était à la discussion de projets concrets en matière d’échanges commerciaux et financiers. Chacun en allait de sa petite idée, de sa petite ambition. L’Ambassadeur Leroy, désigné par Nicolas Sarkozy pour préparer le sommet de juillet prochain, récoltait les avis et les recommandations des divers participants, avec un esprit pragmatique et conciliant; Tout ceci constitue des signes encourageants. Le projet d’UPM intéresse, voire même passionne et attire beaucoup de monde. Certes, ce sont majoritairement des entrepreneurs et des businessmans, mais pour autant, doit-on le regretter. Si l’on en croit la méthode utilisée par les pères fondateurs de l’Ue, les fonctionnalistes Monet et Schuman, on devrait au contraire s’en féliciter. Reste encore à savoir si tous ces projets prometteurs se transformeront d’ici trois mois en réalisations concrètes. Car comme la très justement souligné Jacques Attali dans son intervention, le projet tant défendu par le Président français, est « une utopie qui reste à faire ».

Reprenant l’expression de son « maître à penser » Fernand Braudel dans la thèse monumentale sur le règne de Philippe II, Jacques Attali estime que la particularité de la Méditerranée réside dans le fait qu’elle « n’est même pas une mer » mais « un complexe de Mers ». Une « illusion » surenchérit-il. Avec une amertume quelque peu audible, J. Attali, né en Algérie, nuance son aspect mythique ou mythologique qui a tant enrichit la poésie classique mais aussi très souvent les discours de chefs d’États avides de nouvelles conquêtes. À ce propos, il rappelle qu’elle n’est nullement à l’origine de la civilisation humaine, qui naît sur le continent africain. Certes, il reconnaît que ce sont sur ces rivages que le monothéisme a vu le jour. Il rappelle également que ce sont des Méditerranéens, des « marins », qui sont à l’origine des grandes valeurs et principes qui régissent nos sociétés actuelles, tant la démocratie pour le politique que le libre-marché pour l‘économie : Les marins « inventent aussi ce qui est nécessaire à l’un et à l’autre, le calcul nécessaire au marché, l’alphabet nécessaire à la démocratie ».

Cela dit, Jacques Attali n’hésite pas à dire qu’en tant qu’unité politique et économique, « il ne faut pas se faire d‘illusions sur les faits, la Méditerranée n’existe plus, si tant est qu’elle ait existé autrement que comme souvenir idéologique ». Il livre à ce propos une série de chiffres très convaincants. De nos jours la Méditerranée compte environ 150 millions d’habitants sur ses côtes. 30 % du commerce maritime mondial transite par cette mer, dont 25 % du transport d’hydrocarbures. Malgré ce contexte favorable, J. Attali dresse un constat accablant de ce que les Méditerranéens font de leur mer : celle-ci, traversée par tant de flux et reflux, ne représente que 11% des échanges économiques mondiaux. Pour le libéral convaincu, « il est hallucinant de penser que les premiers ports de cette mer sont au quarantième ou cinquantième rang mondial ». Pis, c’est aussi un « désastre politique », car finalement très peu des pays riverains ont « rejoints le camps de la démocratie »-« les guerres et les violences sont de plus en plus nombreuses », n’en citant qu’une seule, ancestrale en Palestine. C’est par voix de conséquence un désastre social, si l’on observe « l’écart de 1 à 10 entre le revenu moyen par habitant des pays du nord et ceux du sud ». Enfin, c’est un désastre environnemental : « près de deux tiers des eaux usées des villes côtières sont rejetées dans la Méditerranée sans aucun traitement ». Ces prochaines décennies, alors que la Méditerranée ne représente que 2% de la pêche mondial, ces « invasions biologiques » provoqueront la disparition de certaines espèces maritimes; bientôt dit-il, il n’y aura plus de thon, de merlu, d’espadon ni de rouget.

Dans un avenir plus ou moins proche, nous assisterons selon lui à une disparité démographique croissante : 60 % de la population méditerranéenne sera concentrée sur les rives du Sud. Le surpeuplement au sud ira de paire avec une paupérisation de ces populations. Par conséquent, prévoit-il, se produira une forme de « balkanisation de la Méditerranée »; l’écart de richesses déjà abyssale augmentera davantage, entre un Nord occupé à se « protéger » et un Sud de plus en plus instable et menaçant. Dans ce contexte, les religions monothéistes seront demain plus qu’hier, la source de violences et de nouveaux affrontements. Nous assisterons alors à une sorte de « totalitarisme consensuel dont l’Asie donne quelques modèles ». En somme, J. Attali prévient : « la méditerranée est un modèle réduit du cauchemar qui nous attend, c’est une bombe à retardement sous nos pieds ». Faut-il croire toutes ces prévisions ? Comme le disait Raymond Aron dans son œuvre phare Paix et Guerre entre les nations, « laissons à d’autres, plus doués pour l’illusion, le privilège de se mettre par la pensée au terme de l’aventure »[1].

Il n’empêche que l’ensemble de ces indicateurs portent les pays concernés à agir. Dans ce sens, J. Attali l’admet : le processus de Barcelone a été un « échec car trop concentré sur un conflit en particulier ». Barcelone a été un échec car ce processus était davantage fondé sur ‘’l’octroi’’ du nord au sud que sur une « coopération », unique moyen d’aboutir à une union pérenne. Un échec car il était trop politique et « ne concernait pas assez la société civile, les entreprises » mais bien souvent « les comptes en Suisse ». Aujourd’hui, face à ce nouveau projet d’UPM, J. Attali termine son intervention par dévoiler quelles seraient les véritables conditions d’un « marché commun méditerranéen ».

Tout d’abord la résolution des contentieux territoriaux du Sud, ceux du Maghreb et du Moyen-Orient, car pour ne citer que Braudel, « le commerce comme la paix est une affaire de proximité ». D’autre part, selon lui, ce projet devra avoir pour moteur les villes. L’UPM n’a de chances d’aboutir que si elle encourage des projets « villes à villes ». De cette façon, grâce à ces nouvelles dynamiques urbaines, des ports comme celui de Tunis et de Tanger pourront se développer. L’idée de coopération intercommunale existent déjà au sein de l’Union européenne. Peu de gens le savent, puisque ce sont des projets locaux qui mobilisent peu de personnes et donc peu de ressources. C’est sans doute ce qui fait le secret de leurs réussites. Et pour J. Attali c’est cette méthode, le fonctionnalisme des pères fondateurs fondé dans un cadre local, que l’UPM doit emprunter. De cette façon, ce projet deviendra la parfaite continuité ou plutôt la juste prolongation méridionale de ce qui se fait déjà sur le continent. Alvaro Vasconcelos, Président de l’Institut d’études de sécurité de l’Ue, Emma Bonino, Ministre italien des Affaires européennes et du Commerce internationale et André Azoulay, Conseiller du Roi du Maroc insistent beaucoup sur cette vision d’union sectorielle, qui puisse non seulement favoriser les échanges interurbains du Nord vers le Sud, mais aussi et peut-être en premier lieu les échanges « sud-sud ».

Quant aux priorités dont devra se charger l’UPM, J. Attali souhaite le rétablissement de l’état de droit en Méditerranée, tant en matière de normes environnementales, que de lutte contre la criminalité organisée. Cela demande un cadre politique et opérationnel, soit des institutions et une police. Mais alors, J. Attali de s‘interroger : « où trouvez l’argent pour faire tout cela ? ». L’ancien conseiller de Mitterrand répond par la création d’un « nouvel impôt » méditerranéen, fondé non pas sur la contribution des pays riverains, ce qui reviendrait à la situation initiale du processus de Barcelone, soit « l’octroi », mais un impôt fondé sur « la taxation des transits » en Méditerranée. Sur les chances que ce nouvel impôt réussisse à s’imposer il répond, avec une pointe d’ironie : « je ne connais pas beaucoup de bateaux qui préféreraient faire le tour de la Méditerranée plutôt que de payer pour la traverser ».

Sinon, peu de choses sur les réelles intentions que la France nourrirait à travers ce projet; presque rien sur les raisons de la controverse entre Paris et Berlin. Excepté les propos tenus par l’Ambassadeur d’Algérie en France, d’accord avec l’idée que « cette démarche vise à ramener l’axe de gravité de l’Europe vers le sud » et donc à concurrencer la place centrale de pivot qu’occupe actuellement l’Allemagne au sein de l’Ue, entre le front slavoriental d’un côté et celui occident-atlantique de l‘autre. On voudrait nous faire croire, que toutes ces querelles de chapelles sont derrière nous, dépassées ! Le Secrétaire d’État Monsieur Jouyet, lors du discours de clôture, est revenu sur les critiques de la presse, -d’un projet d’union méditerranéenne revu à la baisse, refondé dans l’ancien processus de Barcelone- et s’est demandé pourquoi diable qualifier cette dernière version un « échec », alors qu’il rassemble désormais l’ensemble des pays de l’Ue ?! Cela ne trompe personne, la confrontation géostratégique, qui se déroule sous nos yeux et au sommet de l’Ue entre Paris et Berlin est bien réelle. Ceci constitue certainement une tendance lourde; certainement le résultat de l’attentisme et des faux-semblants de la décennie « Chirac-Schroder ». Quand beaucoup -à l’instar des Italiens- seraient d’accords avec le principe d’UPM mais contraires à l’approche française, les Allemands eux, se sont sentis directement trahis. C’est-ce que disent les diplomates allemands à Bruxelles, c’est-ce que laisse entendre la Chancelière Merkel dans ses récents discours. Comment a-t-on pu imaginer un seul instant qu’un tel projet puisse se faire sans l’Allemagne ? Comment a-t-on pu croire qu’une telle ambition puisse aboutir sans la consultation préalable et la contribution de nos voisins d‘outre-rhin. Y compris dans les moments les plus tragiques de notre histoire commune, lorsque Hitler s’acharnait au mois d’avril 1945 à défendre l’indéfendable, quitte à plonger son pays tout entier dans les décombres causés par les bombardements alliés, le général De Gaulle admettait à la radio le 25 avril : « Les philosophes et les historiens discuteront plus tard des motifs de cet acharnement, qui mène à la ruine complète un grand peuple, coupable certes, mais dont la raison supérieure de l’Europe déplorerait qu’il fut détruit[2] ». Alors on me répondra : "c'est exagéré !". Mais nous ne le répéterons jamais assez : la relation franco-allemande est depuis plus de 50 ans pacifiée. Si depuis, le Président Sarkozy a corrigé sa stratégie ainsi que la dénomination de son projet, il n’empêche que ses premiers pas en politique européenne ont démontré une faible conscience historique et une vision du future irréaliste, car rien, rien n‘est possible pour l‘Europe sans passer par la porte de Brandebourg, et réciproquement. Comme rien de grand n’est envisageable pour la France sans passer par les portes de l’Europe. De nos jours, il est inenvisageable que la France compose sans l'Allemagne, au niveau européen comme au niveau international. Comme le soulignait Hubert Védrine dans son intervention au Forum de Paris, avec l’UPM, « il ne s’agit pas de bâtir une union concurrente mais qui s’insère dans l’Ue », soit une relance, un renouvellement du processus de Barcelone sur de nouvelles bases. Il faut donc se féliciter de cette évolution. De tous les participants du Forum de Paris, chacun aura pu prononcer et entendre les mots d‘« euro-méditerranée » pour qualifier le nouveau projet d‘initiative française. C’est un bon réajustement de la diplomatie française et en même temps une nouvelle promesse d’émancipation de l’Ue en Méditerranée.

Aurélien Cassuto

[1] Raymond Aron, Paix et guerre entre Nations, Calmann-Lévy, 1984, p. 770.
[2] Charles De Gaulle, Mémoires de guerre, Le Salut : 1944-1946, Plon, 1959, p. 190.