jeudi 27 mars 2008

Impasse au Liban

C’est pour le 20 avril qu’est reportée pour la 17ème fois la réunion parlementaire censée déboucher sur l’élection d’un nouveau président libanais.
Saisir les enjeux de ces reports nécessite avant tout la compréhension des origines du climat de tension et de méfiance qui règne actuellement au Liban. Pour cela deux éléments sont à prendre en compte : premièrement, l’invasion américaine de l’Irak en 2003 dans le cadre d’un projet plus global et, deuxièmement, le vote par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 1559.

L’invasion américaine de l’Irak de mars 2003 :

Il ne fait plus de doute aujourd’hui que l’arrivée des Américains en Irak ne s’est pas faite dans le but de diffuser la « démocratie » au Moyen-Orient, de détruire les soi-disants armes de destruction massive (ADM) de Saddam Hussein ou en raison des prétendus liens entre Al Qaida et le régime baathiste. Il est établi aujourd’hui que toutes ces raisons n’étaient que des prétextes avancés par l’administration Bush dans le but de créer une atmosphère de panique et de hâter un débarquement massif de l’armée américaine dans la région.

La politique des Etats-Unis au Moyen-Orient est aujourd’hui plus que jamais déterminée par deux grands axes :
1- La protection des intérêts du complexe militaro-industriel et pétrolier.
2- La sécurité d’Israël.

Les deux grands groupes de pressions et laboratoires d’idées aux Etat-Unis, représentant ces deux axes par l’intermédiaire du « courant néo-conservateur », n’ont d’ailleurs jamais aussi bien été représentés dans une administration américaine que dans celle de Bush.

Rappelons que le vice-président Dick Cheney était l’ancien PDG de Halliburton et membre de l’organisation « Jewish Institute for National Security Affairs » (JINSA), tout comme l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, également membre de l’organisation « Center for Security Policy » (CSP) et du « Project for a New American Century » (PNAC), que le supposé « architecte de la guerre en Irak », Richard Perle, était aussi membre du JINSA et du PNAC, pour ne citer que quelques unes des organisations qui soutiennent ouvertement le Likoud israélien. Sans compter que le sous-secrétaire à la Défense Douglas Feith était ancien procureur de la compagnie militaire Northrop Grumann et que Paul Wolfowitz, l’ancien vice-secretaire à la Défense était membre du PNAC et ancien conseiller à la compagnie militaire Northrop Grumann, etc.

L’invasion américaine de l’Irak s’est faite dans le cadre d’un projet plus large et régional. Un jour appelé le projet du « Grand Moyen-Orient » GMO un autre le projet du « Nouveau Moyen-Orient » (NMO).
Quelle que soit la finalité précise de ce -projet, une chose est certaine, c’est qu’il a pour principal objectif de renforcer l’emprise des Etats-Unis sur l’ensemble du MoyenOrient : sur son pétrole, sur ses marchés, et donc sur ses régimes. Il passe donc logiquement par la neutralisation de toute organisation ou Etat qui pourrait faire obstacle.

Un axe farouchement opposé se constituera à partir de cette date, composé de l’Iran, de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas.

L’Iran, signataire du Traité de non prolifération nucléaire TNP est soumise, depuis le 23 décembre 2006 et suite aux pressions américaines, aux résolutions 1737, 1747 et 1803 des Nations Unies qui engagent des sanctions, sous prétexte que l’Iran posséderait un programme nucléaire militaire (démenti récemment par les rapports des services de renseignements américains). Il est d’ailleurs curieux de noter qu’Israël et le Pakistan, qui possèdent tous deux des armes nucléaires et ne sont pas signataires du (TNP) et ne subissent pas les mêmes contraintes.

Le Hamas subit jusqu’à aujourd’hui une guerre de décapitation de la part d’Israël, suite à l’enlèvement le 26 juin 2006, du soldat israélien Gilad Shalit dans le but de négocier la libération d’une partie des quelques 10 000 prisonniers palestiniens incarcérés en Israël.

Le Hezbollah aussi, en juillet 2006, a subi une guerre d’éradication similaire suite à la prise en otage de deux soldats israéliens, dans le but de les échanger contre des prisonniers libanais en Israël, dont Samir Kuntar incarcéré depuis 1979. Mme Condoleeza Rice n’a pas manqué de qualifier cette guerre, qui a provoqué la mort de plus de 1200 civils libanais et déplacé plus d’un million de personnes, de « douleur d’enfantement du Nouveau Moyen-Orient ».

Reste la Syrie.

La Syrie est aujourd’hui directement accusée par la communauté internationale de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri ainsi que de tous les attentats qui ont lieu au Liban depuis le 14 février 2005. Un Tribunal pénal international a été mis en place dans le but d’enquêter et de prouver la responsabilité syrienne.

La résolution 1559 :

Le vote de la résolution 1559 marque le début du volet libano-syrien du projet américain au Moyen-Orient.

Quelques mois avant l’assassinat de Rafic Hariri, la résolution 1559 du Conseil de sécurité demandait le retrait des troupes militaires syriennes du Liban, qui se fera quelques mois plus tard. Cette résolution marque la fin du feu vert que les Etats-Unis avaient donné à Damas suite à l’alliance qui les avaient réunis contre l’Irak lors de la guerre du Golfe en 1990. La 1559 exigeait aussi le désarmement de toutes les milices libanaises, en particulier le Hezbollah et les Palestiniens, implicitement visés.

C’est à partir de cette date que débute la série d’attentats qui frappe Liban et autour des origines desquelles, deux logiques s’affrontent.

D’une part, l’opposition, appelée aussi le mouvement du « 8 Mars », réunissant les pro-Syriens ou les anti-Américains, selon les médias consultés, composé essentiellement du Hezbollah chiite et du Courant patriotique libre majoritairement maronite du général Michel Aoun, ainsi que de toute une série de petits partis locaux.

D’autre part, les loyalistes, aussi appelés, la majorité parlementaire, le mouvement du «14 Mars », les anti-Syriens ou les pro-Americains, encore une fois selon les medias, composé du Courant du futur sunnite de Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre assassiné, du Parti socialiste progressiste druze de Walid Joumblat et des Forces libanaises maronites de Samir Geagea, ainsi qu’une nébuleuse de petits partis et de notabilités féodales locales.

Les loyalistes accusent l’opposition d’être téléguidée par l’Iran et la Syrie, responsable selon eux de tous les attentats, sans pour autant réussir, jusqu’à présent, à trouver aucun indice impliquant les accusés, de s’opposer au Tribunal pénal international sur l’assassinat de Rafic Hariri et de chercher à restaurer l’ancienne tutelle syrienne sur le pays.

L’opposition, pour sa part, accuse les loyalistes d’être les alliés libanais du projet américain dans la région, et d’être impliqués dans les attentats qui frappent le pays depuis 2005 dans le but de fournir des prétextes afin de faire pression sur la Syrie et le Hezbollah. Les loyalistes sont aussi accusés d’avoir collaboré avec les Etats-Unis et Israël lors du conflit qui opposa Israël au Hezbollah en juillet 2006 et de leur avoir confisqué des armes et ceci en violation d’engagements électoraux.

En effet lors des élections législatives de Juin 2005 une entente avait été établie entre le Hezbollah et les loyalistes assurant, le soutien et la protection par ceux-ci du Hezbollah, qualifiée « résistance nationale Libanaise» et non « milice ». Ce détail permettait notamment d’extraire le Hezbollah des exigences de la résolution 1559.

En décembre 2006, quelques mois après le vote par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 1701, qui mettra un terme à un mois de guerre, les ministres Hezbollah quittent le gouvernement et drejoignent le général Aoun ans l’opposition. Ils appellent à la constitution d’un nouveau gouvernement dans lequel l’opposition aurait le tiers des ministres, disposant ainsi d’un pouvoir de blocage en attendant les prochaines élections législatives censées se dérouler en 2009.

Les loyalistes refusent de céder sous prétexte que le tiers de blocage demandé paralysera le pays et empêchera la poursuite de l’enquête internationale sur les assassinats.

Le président de la chambre (opposition) bloquera, en réponse, l’activité politique du pays en empêchant toute réunion du Parlement.

La Constitution prévoit la réunion automatique du parlement, une fois le mandat d’un Président terminé, car rappelons-le, au Liban, l’élection du Président ne se fait pas au suffrage universel mais à la majorité parlementaire, et la formation d’un nouveau gouvernement. Le mandat du président Emile Lahoud ayant prit fin en décembre 2007, le Parlement ne parvient pas à se réunir pour élire un candidat consensuel en l’occurrence Le général Michel Suleiman.

Il est prévu que, pour que le vote soit légal les 2/3 des députés doivent être présents. Or l’opposition, possède un peu moins de la moitié des parlementaires et refuse de voter tant qu’elle n’aura pas les garanties que les principales instances du pays (la sécurité intérieur, conseil des ministres, etc.) ne passeront pas entièrement aux mains des loyalistes.

Une fois de plus le Liban est embourbé dans un engrenage qui ne semble pouvoir se terminer que par la victoire d’un camp sur l’autre. L’histoire est pourtant riche d’exemples imposant le compromis comme seule solution viable.
Pourtant la crise au Liban ne semble pouvoir trouver de débouché que, par un règlement global du bras de fer qui oppose les Etats-Unis et Israël d’un coté, la Syrie et l’Iran, principaux soutiens au Hamas et au Hezbollah de l’autre, ou alors par une nouvelle guerre entre le Hezbollah et la coalition Israélo-américaine qui changera radicalement le rapport de forces plutôt équilibré actuellement au Liban, thèse de plus en plus plausible selon nombreux analystes.
Khalil Baroud.

mardi 18 mars 2008

Témoignage d'une auditionnée de la Commission sur les évolutions du métier d'enseignant, présidée par Marcel Pochard

Le 4 février, la commission présidée par M. Pochard a remis son rapport sur la condition enseignante au ministre X. Darcos. Après plusieurs mois d’auditions, ce livre vert dresse un état des lieux et lance quelques pistes d’évolution.

Une première partie est entièrement consacrée au « portrait des enseignants à l’aube du XXIème siècle ». Les constats sur les conditions de travail, la vie professionnelle, le malaise enseignants n’appellent pas à contestation, mais illustrent bien ce qu’on a pu ressentir au cours des auditions ou tables rondes. Le rapport ignore les facettes multiples que recoupent le métier d’enseignant de la maternelle au lycée (fonctions, lieux d’exercices, publics d’élèves….). En revanche, il met l’accent particulier sur les aspects de gestion des personnels, de fonctionnement des structures, de rémunération, en pointant surtout les collèges et lycées.

Sur cette première partie, le SE-UNSA ne retrouve pas dans cette description le regard transversal qu’on était en droit d’attendre dans un travail de cette ampleur sur notre métier.
Dans la deuxième partie, un certain nombre de pistes sont explorées, peu de conclusions sont tirées. La commission est restée majoritairement prudente dans ses propositions à l’exception de certains points.les travers constatés dans l’état des lieux se retrouvent vite dans les axes développés. Le développement de l’autonomie des établissements est largement abordé : une plus grande autonomie pédagogique est préconisée sous l’égide du chef d’établissement avec notamment une partie de la DHG contractualisée entre l’établissement, le rectorat et les collectivités. Le rôle du chef d’établissement serait alors accru, lui permettant sur la base d’un contrat avec les personnels d’organiser les modalités de travail.

La commission Pochard préconise aussi de reconnaitre dans les obligations de service les différentes missions des enseignants : le cœur de métier qu’est l’enseignement mais aussi des activités dites indissociables (travail en équipe, orientation et accompagnement des élèves). L’évaluation des enseignants, la mobilité (parcours de carrière) et la revalorisation sont aussi approchées dans ce rapport. Des comparaisons sont faites avec le fonctionnement des établissements privés, l’enseignement agricole…La commission évoque une gestion des ressources humaines à « rebâtir », l’institution devant relever le défi du qualitatif !
Après ce rapport, maintenant, ce qui importe pour le SE-UNSA c’est ce que le ministre va en retenir et proposer dans son livre blanc, base attendue de négociation avec les syndicats. Le SE-UNSA portera à nouveau ses revendications pour une meilleure reconnaissance de notre métier.


Dominique Thoby, secrétaire nationale de SE-UNSA

U.S elections- Portrait de John Mc CAIN



John Mc Cain : No country for old men ?

A 72 ans, John Mc Cain est l’homme politique le plus populaire des Etats-Unis… avec Barack Obama, 47 ans. Comparant ces deux chiffres, l’affaire est presque jouée pour The Economist qui parlait récemment d’une campagne chanceuse de « John », dont le succès chez les Républicains serait immérité, et perdu d’avance face au « cool kid »[1]. David Brooks du New York Times parle lui d’un homme qui parait 80 ans, suite à des cicatrices provoquées par un récent cancer de la peau, opposé à un candidat afro-américain séduisant qui fait plus jeune que son âge.

Fort heureusement la société et la vie politique américaine ne se résument pas à un épisode de Nip Tuck ou à un clip « esthétique » de Britney Spears. C’est bien au contraire pour ses cicatrices et ses handicaps que Mc Cain est respecté et aimé par la foule: il ne peut pas (par exemple) soulever les bras plus haut que sa tête en raison de tortures subies au Vietnam lors de cinq années de captivité. Les sondages ont d’ailleurs commencé à grimper le jour ou Hillary Clinton fit une contribution maladroite de quelques millions de dollars au festival hippie de Woodstock. Lui fit remarquer qu’en cette belle année 1969 il essayait de survivre dans un camp nord-vietnamien[2].

Malgré les épreuves, le personnage est resté optimiste, sympathique. Sa présence répétée dans des talk-shows hilarants, quoique risqués pour les invités comme celui de John Stewart[3], est appréciée à juste titre. Ses positions sont claires, cohérentes, énoncées avec charisme et humour et sans prétention. Relativement basiques, ces quelques observations nous paraissent essentielles pour comprendre une élection présidentielle qui se joue en partie sur la personnalité. Meghan, la fille de Mc Cain, l’a parfaitement intégré puisque son blog[4], véritable récit interne des coulisses de la campagne, a été visité par des millions d’électeurs américains ! Comme en 2004, la toile jouera un rôle décisif.

Sur le fond, les analyses sur Mc Cain ne manquent pas… si on sait déchiffrer l’anglais ! Car en France et en Europe le vétéran-héros fait moins rêver qu’un certain B.O. Pourtant ses idées ont de quoi plaire tout autant, voire plus, à une large majorité du vieux Continent : Mc Cain se prononce pour la signature du protocole de Kyoto, pour l’amnistie progressive des 12 millions d’immigrés illégaux ; il est peu apprécié par les religieux pour son manque de ferveur sur le thème de l’avortement, modéré sur les questions fiscales, pour le maintien actuel du libre-échange, c'est-à-dire contre l’inquiétante vague protectionniste qui gagne les Etats-Unis et ses deux candidats démocrates, enfin pour une vraie « alliance des démocraties »[5] qui se démarque nettement de l’unilatéralisme imprudent de George W. Bush.

Mc Cain est un pragmatique qui pourrait néanmoins déplaire aux chancelleries européennes sur les questions moyen-orientales : il est pour le maintien sans échéance des troupes américaines en Irak et se pose en farouche opposant du régime iranien et à ses ambitions nucléaires. L’incertitude internationale en 2008 devrait décider de son sort : une nette dégradation militaire en Irak le mettrait dans une position électorale impossible. Si au contraire un acte terroriste de grande ampleur, une révélation sur la bombe iranienne ou une guerre entre Israël et ses voisins (de plus en plus pressentie) surgissaient ces prochains mois, nul doute que son autorité et son expérience le mèneraient à la Maison Blanche. La crise économique est une autre variable majeure : lui-même reconnaît ne rien savoir sur le sujet.

A huit mois du scrutin, la bataille Clinton-Obama dans le camp adverse lui laisse le temps de séduire la base conservatrice de son parti et de choisir un Vice Président assez jeune et talentueux pour pouvoir lui succéder dans quatre ans… car John Mc Cain est vraisemblablement l’homme d’un seul mandat. Il le déclare souvent à mi-mot, et aura même bientôt l’occasion de le dire au Président Sarkozy qui, fidèle au précèdent mitterrandien, fait mine de se saisir de la même idée…

Le jeune homme, chef d’Etat d’une vieille nation, ferait bien d’écouter les recettes d’un vieux monsieur, négligé à tort, et qui n’est franchement pas décidé à prendre sa retraite[6].

Michael Benhamou




[1] Cf numéro du 1 mars 2008, p.48
[2] http://www.youtube.com/watch?v=8zQX2T8ZGAw. Débat républicain, fin octobre 2007
[3] http://www.thedailyshow.com/video/index.jhtml?videoId=85762&title=sen.-john-mccain-pt.-1
[4] http://www.mccainblogette.com/
[5] Cf Foreign Affairs « An Enduring Peace Built on Freedom », numéro de novembre/ décembre 2007
[6] Référence au film exceptionnel des Frères Cohen, No Country for old men, 2008.

mercredi 5 mars 2008



NIRTA est allé à la rencontre de Vérone. Retrouver nos impressions et notre reportage dans "Rencontre avec l'Europe".