mardi 18 mars 2008

U.S elections- Portrait de John Mc CAIN



John Mc Cain : No country for old men ?

A 72 ans, John Mc Cain est l’homme politique le plus populaire des Etats-Unis… avec Barack Obama, 47 ans. Comparant ces deux chiffres, l’affaire est presque jouée pour The Economist qui parlait récemment d’une campagne chanceuse de « John », dont le succès chez les Républicains serait immérité, et perdu d’avance face au « cool kid »[1]. David Brooks du New York Times parle lui d’un homme qui parait 80 ans, suite à des cicatrices provoquées par un récent cancer de la peau, opposé à un candidat afro-américain séduisant qui fait plus jeune que son âge.

Fort heureusement la société et la vie politique américaine ne se résument pas à un épisode de Nip Tuck ou à un clip « esthétique » de Britney Spears. C’est bien au contraire pour ses cicatrices et ses handicaps que Mc Cain est respecté et aimé par la foule: il ne peut pas (par exemple) soulever les bras plus haut que sa tête en raison de tortures subies au Vietnam lors de cinq années de captivité. Les sondages ont d’ailleurs commencé à grimper le jour ou Hillary Clinton fit une contribution maladroite de quelques millions de dollars au festival hippie de Woodstock. Lui fit remarquer qu’en cette belle année 1969 il essayait de survivre dans un camp nord-vietnamien[2].

Malgré les épreuves, le personnage est resté optimiste, sympathique. Sa présence répétée dans des talk-shows hilarants, quoique risqués pour les invités comme celui de John Stewart[3], est appréciée à juste titre. Ses positions sont claires, cohérentes, énoncées avec charisme et humour et sans prétention. Relativement basiques, ces quelques observations nous paraissent essentielles pour comprendre une élection présidentielle qui se joue en partie sur la personnalité. Meghan, la fille de Mc Cain, l’a parfaitement intégré puisque son blog[4], véritable récit interne des coulisses de la campagne, a été visité par des millions d’électeurs américains ! Comme en 2004, la toile jouera un rôle décisif.

Sur le fond, les analyses sur Mc Cain ne manquent pas… si on sait déchiffrer l’anglais ! Car en France et en Europe le vétéran-héros fait moins rêver qu’un certain B.O. Pourtant ses idées ont de quoi plaire tout autant, voire plus, à une large majorité du vieux Continent : Mc Cain se prononce pour la signature du protocole de Kyoto, pour l’amnistie progressive des 12 millions d’immigrés illégaux ; il est peu apprécié par les religieux pour son manque de ferveur sur le thème de l’avortement, modéré sur les questions fiscales, pour le maintien actuel du libre-échange, c'est-à-dire contre l’inquiétante vague protectionniste qui gagne les Etats-Unis et ses deux candidats démocrates, enfin pour une vraie « alliance des démocraties »[5] qui se démarque nettement de l’unilatéralisme imprudent de George W. Bush.

Mc Cain est un pragmatique qui pourrait néanmoins déplaire aux chancelleries européennes sur les questions moyen-orientales : il est pour le maintien sans échéance des troupes américaines en Irak et se pose en farouche opposant du régime iranien et à ses ambitions nucléaires. L’incertitude internationale en 2008 devrait décider de son sort : une nette dégradation militaire en Irak le mettrait dans une position électorale impossible. Si au contraire un acte terroriste de grande ampleur, une révélation sur la bombe iranienne ou une guerre entre Israël et ses voisins (de plus en plus pressentie) surgissaient ces prochains mois, nul doute que son autorité et son expérience le mèneraient à la Maison Blanche. La crise économique est une autre variable majeure : lui-même reconnaît ne rien savoir sur le sujet.

A huit mois du scrutin, la bataille Clinton-Obama dans le camp adverse lui laisse le temps de séduire la base conservatrice de son parti et de choisir un Vice Président assez jeune et talentueux pour pouvoir lui succéder dans quatre ans… car John Mc Cain est vraisemblablement l’homme d’un seul mandat. Il le déclare souvent à mi-mot, et aura même bientôt l’occasion de le dire au Président Sarkozy qui, fidèle au précèdent mitterrandien, fait mine de se saisir de la même idée…

Le jeune homme, chef d’Etat d’une vieille nation, ferait bien d’écouter les recettes d’un vieux monsieur, négligé à tort, et qui n’est franchement pas décidé à prendre sa retraite[6].

Michael Benhamou




[1] Cf numéro du 1 mars 2008, p.48
[2] http://www.youtube.com/watch?v=8zQX2T8ZGAw. Débat républicain, fin octobre 2007
[3] http://www.thedailyshow.com/video/index.jhtml?videoId=85762&title=sen.-john-mccain-pt.-1
[4] http://www.mccainblogette.com/
[5] Cf Foreign Affairs « An Enduring Peace Built on Freedom », numéro de novembre/ décembre 2007
[6] Référence au film exceptionnel des Frères Cohen, No Country for old men, 2008.